Aujourd’hui, je ne vous présente non pas un mais plusieurs livres. Pas de façon aussi détaillée que d’habitude car le temps me manque, juste une petite vision de tous les romans que j’ai pu lire pendant le mois d’octobre. Il faut dire que j’ai repris un rythme de lecture que je n’avais pas eu depuis des années… Le premier roman mis à part – il m’a été offert – tous les livres viennent de la bibliothèque municipale Gaspard Monge de Beaune
Les mille et une gaffes de l’ange gardien Auriel Auvinen, Arto Paasilinna
Lu fin septembre-début octobre. Encore une fois, je n’ai pas été déçue par cet auteur qui a le don de me faire sourire presque à chaque page. Un ange-gardien fraîchement formé doit veiller sur un homme dont la vie était jusque-là plutôt tranquille. Mais au lieu de l’aider, l’ange gaffeur va – contre son gré bien sûr – transformer l’existence de son protégé un véritable enfer. Un régal d’humour ! (Retrouvez mes chroniques de Paasilinna ici)
Les Rêveurs, Isabelle Carré
Voilà bien longtemps que je voulais lire un roman de cette comédienne aussi douce qu’émouvante avec laquelle j’avais eu le plaisir d’échanger autour d’un verre au festival d’Avignon dans ce qui me semble une autre vie. La narratrice nous raconte son enfance et son adolescence au milieu d’une famille un peu décalée, en plein cœur des années 70. Entre une mère dont l’esprit part à la dérive, un père qui cherche à faire son coming-out et un frère aîné en quête de son père biologique, la jeune Isabelle tente de se reconstruire après une tentative de suicide et de trouver la voie dans laquelle elle pourra vraiment s’épanouir. Une écriture à l’image de l’actrice, d’une douceur poétique illuminée par un léger sourire. J’ai adoré.
Délicieuses pourritures, Joyce Carol Oates
Gillian, brillante étudiante de troisième année, vient d’intégrer le prestigieux cours d’écriture du professeur Andre Harrow, aussi charismatique que sulfureux. La jeune femme secrètement amoureuse de ce dernier n’hésite pas à suivre son intrigante épouse, Dorcas, une française, sculptrice de renom pour en apprendre plus à son sujet. L’année universitaire se déroule ponctuée par d’étranges incendies se déclarant sur le campus. Une amie de Gillian interrompt précipitamment ses études. La tension pendant les cours d’écriture s’accroit à mesure que les mois passent. Les étudiantes sont prêtes à tout pour se faire remarquer par leur professeur. Lorsqu’il leur demande de rédiger et lire à voix haute leur journal intime, les jeunes femmes confessent leurs actes et pensées les plus osés… Rapidement, c’est la surenchère. Mise en danger avec tentatives de suicide, anorexie, drogue et les incendies inexpliqués qui se poursuivent, l’autrice parvient avec brio à nous plonger dans une atmosphère glauque et perverse. Pas déçue par ce roman d’une autrice que j’apprécie (voire mes autres articles ici). « Nous devions raconter nos rêves, nos fantasmes, nos espoirs, nos visions; nos relations intimes avec parents, frères et sœurs, amis, amants; nous devions explorer nos vies affective, physique, sexuelle, comme si nous étions des « spécimens anatomiques ». Si nous voulions devenir des écrivains, nous devions explorer le monde avec des yeux neufs et sceptiques. »
L’attentat, Yasmina Khadra
A Tel-Aviv, un kamikaze se fait exploser dans un restaurant, faisant de nombreux morts et blessés. Le docteur Amine, chirurgien d’origine arabe mais israélien depuis de nombreuses années, opère à la chaîne les survivants. Dans la nuit qui suit, alors qu’épuisé il tente de trouver un peu de repos chez lui, il est rappelé de toute urgence à l’hôpital pour examiner le corps en lambeaux de la terroriste. En l’espace d’une seconde, tout son univers s’écroule. C’est sa propre femme qui a commis l’attentat. Comment celle qu’il aimait par-dessus tout, celle à qui il accordait toute sa confiance a-t-elle pu lui cacher son horrible dessein ? Comment une femme moderne, profitant de tout le confort possible, aimant sortir, voyager, échanger avec un cercle d’amis faisant partie de l’élite de Tel-Aviv a-t-elle pu se ranger aux côtés d’islamistes radicaux et se faire exploser au milieu d’enfants innocents ? Comment peut-on partager l’intimité de quelqu’un pendant des années et ne s’apercevoir de rien ? Ce sont toutes ces questions auxquelles le docteur Amine essaiera de trouver des réponses en se plongeant dans un univers bien éloigné de son quotidien. Un roman choc, parfaitement bouleversant, au cœur du conflit israélo-palestinien, d’une violente beauté. Ma première rencontre avec Khadra et sans doute pas la dernière ! « Effondré dans un fauteuil, je ne pense toujours à rien. Ma tête est sous vide. J’ignore si je suis dans mon bureau ou dans celui de quelqu’un d’autre. […] c’est comme si les choses évoluaient dans un monde parallèle d’où l’on m’a éjecté sans préavis aucun et sans la moindre retenue. Je me sens patraque, halluciné, dévitalisé. Ne suis qu’un énorme chagrin recroquevillé sous une chape de plomb, incapable de dire si j’ai conscience du malheur qui me frappe ou bien s’il m’a déjà anéanti. »
Trop intelligent pour être heureux – L’adulte surdoué, Jeanne Siaud-Facchin
Ce livre n’est pas récent mais ça fait des années que je me dis qu’il faudrait que j’y jette un coup d’œil. Je n’ai clairement pas appris grand chose si ce n’est un certain soulagement de constater que certains « symptômes » de mon quotidien ne sont pas forcément issus de la pathologie dont j’ai souffert de nombreuses années, elle-même étant en grande partie la conséquence d’un sentiment de profonde différence et de trop grande intellectualisation du monde qui m’entoure. Il n’en reste pas moins que cet ouvrage est un excellent outil de vulgarisation et de compréhension pour les personnes qui n’ont peut-être jamais eu l’occasion de consulter un psy. Bien aussi pour aider les autres à repérer précocement des signes qui ne trompent pas et accompagner au moins ceux qui réfléchissent un peu trop ou d’une manière différente. Et je confirme qu’on peut, avec ce qu’il faut d’entraînement, à mettre un peu son intellect en veilleuse pour profiter d’être heureux.
Suite(s) impériale(s), Bret Easton Ellis
Cela faisait un petit moment que je voulais lire la suit de Moins que zéro (voilà que je m’aperçois que je n’en avais pas fait la chronique à l’époque… voici tout de même un lien vers le célèbre American Psycho du même auteur). Contrairement au premier roman lu il y a très très longtemps, j’ai eu beaucoup de mal à rentrer dans celui-ci. On suit Clay, le protagoniste de Moins que zéro devenu scénariste, qui revient à Los Angeles pour passer les vacances de Noël. La plupart de ses amis ont tellement eu recours à la chirurgie esthétique qu’il a du mal à les reconnaître. Mais ce n’est pas cela qui le tourmente le plus. Il s’est épris d’une actrice de bas-étage. Jusque-là, rien d’exceptionnel. Mais il se rend très vite compte qu’il est suivi. Un piège semble se refermer sur lui tandis que certaines personnes de son entourage disparaissent ou meurent violemment… Au final c’est un bon roman noir, assez complexe, qui montre l’évolution d’une génération aussi dorée que désenchantée. Dommage que l’intrigue mette un peu trop de temps à décoller ce qui m’a empêchée de pleinement accrocher. Petite déception.
L’adversaire, Emmanuel Carrère
Emmanuel Carrère choisit de raconter l’histoire vraie d’un homme qui a passé 18 ans de sa vie à mentir. Jean-Claude Romand s’est fait passer pendant des années, auprès de ses parents, sa femme, ses enfants, ses amis pour un médecin chercheur à l’OMS. Alors que ses proches le pensaient en train de travailler à Genève ou de donner des cours à Dijon, il passait ses journées dans sa voiture ou à arpenter les sentiers forestiers du Jura, seul. Cet homme que tout le monde jugeait gentil, serviable, et surtout d’une confiance et d’une honnêteté sans faille n’a jamais réussi à avouer la vérité. Pire, alors que son mensonge était sur le point de s’effondrer, il a assassiner sa femme, ses deux enfants et ses parents. Un récit bouleversant, remuant de la part de Carrère qui tente de comprendre le destin de cet homme. J’en suis sortie secouée. « Il savait qu’en s’avouant lui aussi atteint de cette maladie [la dépression] il ferait empirer celle de sa mère, qui était beaucoup plus grave et risquait de la tuer. D’un côté, on lui avait appris à ne pas mentir, c’était un dogme absolu : un Romand n’avait qu’une parole, un Romand était franc comme l’or. De l’autre, il ne fallait pas dire certaines choses, même si elles étaient vraies. Il ne fallait pas causer de chagrin, pas non plus se vanter de son succès ou de sa vertu. »