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La croisière ça use

Bonjour à tous ! Je reprends le blog pour une toute dernière chronique côté adultes. Je continuerai à partager mes lectures de façon plus ponctuelle sur Instagram (@le_petit_monde_de_naurile) car je n’ai clairement plus le temps de rédiger de longs articles. Mais j’avais promis à cet auteur qui m’avait fait la gentillesse de m’envoyer son dernier opus d’écrire un petit mot ici alors comme je suis une fille qui tient ses promesses et comme l’idée de savoir qu’un écrivain va se balader à poil dans les rues de Montargis une fois cet article en ligne m’amuse, voilà, je m’exécute. Je suis très heureuse de vous présenter ce rocambolesque roman noir paru en octobre dernier aux éditions Ramsay. Pour info, j’avais déjà encensé Commedia Nostra du même auteur ici.

Venenum, Sylvain Gillet

Abel Diaz et ses acolytes jazzmen embarquent pour une croisière rémunérée afin de divertir des vendeurs médicaux en séminaire de motivation. Pas la consécration pour nos musicos mais une façon comme une autre de se remplir un peu les poches. La transatlantique aurait pu se dérouler de façon pas trop désagréable pour le groupe mais c’était sans compter la mort soudaine d’Orville Montgomery, un des compagnons d’Abel. Ce dernier, accompagné de sa fidèle Linda, une guitare à la langue bien pendue, certain que son ami n’est pas mort naturellement, décide de mener l’enquête. En France, le commissaire Amadeo mène l’enquête sur une série de meurtres de prostituées du côté de Bourges. Quel est le rapport ? Ben faudra lire le bouquin les cocos !

« L’œil ultra-perfectionné d’Abel Diaz lui permet d’estimer la proportion féminine des VM à soixante-deux pour cent. Peut-être soixante-trois, faut voir. La moyenne d’âge des médecins visités n’étant pas des plus basses, celle des VM correspond. Inutile de mettre en face du jeunot à la crédibilité vacillante. La plupart dépasse donc la quarantaine. Et cette même plupart, qu’elle soit féminine ou masculine, est dotée d’un physique plutôt avenant. Logique. On n’est pas des représentants, mais on représente quand même. On ne va pas imposer des Quasimodo à des médecins qui n’ont rien demandé. / D’un point de vue global et surtout diazesque, la fesse est donc jugée ferme. Du beau physique pour émoustiller monsieur le Docteur et des dents blanches pour rire à ses blagues. La petite population commerciale envahit bientôt les couloirs du navire. Bien qu’habitués à être choyés lors des séminaires, les VM gentlemen ou women – libre à chacun d’inclusiver comme il l’entend – sont impressionnés par le luxe de l’embarcation. »

Plus qu’heureuse de retrouver le style bien à lui de Sylvain Gillet que j’avais découvert il y a quelques mois avec Commedia nostra. J’étais d’ailleurs contente de retrouver certains protagonistes en personnages secondaires ici. De l’humour en veux-tu en voilà, de la satire, du graveleux assumé mais surtout une incroyable richesse stylistique et culturelle. Côté intrigue, c’est extrêmement bien pensé. L’auteur parvient à réunir tous les fils avec brio et à maintenir le suspens jusqu’à la fin. On ne s’ennuie pas une seconde ! Franchement, ça mériterait d’être adapté au cinéma, ça me fait tellement penser à du Audiard ! Un très gros coup de cœur pour cette histoire de vengeances assez capillotractée. Si vous voulez passer un bon moment de lecture à la fois drôle et intelligent, n’hésitez pas ! (promis, l’auteur ne m’a pas payée pour dire ça !)

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Les pépés flingueurs

Bonjour ! Je reviens avec de la littérature adulte. Je n’ai malheureusement plus beaucoup de temps ni pour lire ni pour rédiger des chroniques en bonne et due forme. Par conséquent, je ne partagerai ici plus que les lectures pour lesquelles j’ai un véritable coup de cœur. C’est le cas pour le roman dont je vais vous parler aujourd’hui. J’en profite pour remercier chaleureusement l’amie qui me l’a offert avec une dédicace de l’auteur. Il est paru aux éditions Ramsay.

Commedia nostra, Sylvain Gillet

Antoine Aria, tragédien en fin de carrière, en est réduit à se transformer en carotte géante pour boucler ses fins de mois. C’en est trop, il lui reste encore trop d’estime de lui-même pour accepter une fois de plus de se faire ridiculiser de la sorte. Par chance, son agent, Max Malakian, lui propose enfin un rôle à sa hauteur. Il devra jouer un vieux mafieux. Niveau cachet, ce sera le jackpot. Impossible pour notre comédien de refuser, même si le contrat sort de l’ordinaire car il s’agira de jouer une seule fois, en direct.

Notre anti-héros devra donc interpréter le rôle de Pepe di Marzio sensé se réconcilier avec son petit frère Maurizio avec qui il n’a plus de contact depuis cinquante ans suite à une affaire de vol de bijoux et de femme afin de récupérer le pactole confié par leur Mama au monastère du coin. Le premier est parti s’offrir une respectabilité en France tandis que le second s’est exilé en Amérique. Seulement voilà, Pepe est mort avant la réconciliation et son fils, François de Maziol, ne compte pas passer à côté du trésor. Voilà pourquoi il embauche Antoine, le portrait craché de son père, pour qu’il joue le rôle du vieux.

J’ai adoré de la première à la dernière ligne ce roman rédigé dans un style à la Audiard, avec moult jeux de mots, références sociétales et pop culturelles et interventions du narrateur. Alors certes, il faut aimer l’humour parfois graveleux, mais franchement, voilà un polar comique qui fait du bien et qui change de ce qu’on a l’habitude de lire. L’auteur, comédien, réalisateur et scénariste connaît parfaitement son sujet et se joue de tous les clichés du milieu – agent au trois-quarts véreux, comédiens gauchistes sans le sou. Tout cela assaisonné de sauce mafieuse. Un régal ! Une scène est particulièrement digne des Tontons flingueurs, les silencieux en moins. Si les les trois protagonistes – Antoine Aria alias Pepe, Max Malakian – l’agent pourri -, et Clarence Charvel, comédien dans la même agence qu’Antoine, son ennemi de toujours – sont vraiment à se tordre, tous les personnages sont très bien travaillés et même les plus sérieux finissent par devenir comique. Mention spéciale pour Miguel, alias Dernière Image, l’homme de main du regretté Pepe. Bref, si vous voulez passer un bon moment, n’hésitez pas ! Par contre, premier degré s’abstenir !

« Pepe et Maurizio di Marzio quittent le soleil emmerdeur d’une petite allée pour l’ombre d’un bosquet. L’endroit devrait être plus propice à explications que le chemin trop exposé. C’est que les deux comédiens viennent de se faire rejoindre par leur agent. Celui-ci a fait le tour du bâtiment à la vitesse grand V, la rapidité grand R et même la célérité grand C. Ils ont des éclaircissements à lui demander. Quantité d’éclaircissements. Et la demande pourrait se faire avec une générosité de mouvements et des intempestivités physiques que seules des origines italiennes ne pourraient expliquer. D’ailleurs, les intempestivités ne tardent pas à apparaître. Dès son arrivée, Malakian est saisi par le col. Antoine est à deux doigts de le corriger, avec l’approbation participative de son collègue Clarence »

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L’arnaqueur

Bonjour ! Aujourd’hui, je vous entraîne dans un univers un peu décalé, avec un roman noir bourré d’humour paru en février aux éditions du Seuil.

Kasso, Jacky Schwartzmann

Jacky Toudic, qui n’a pas mis les pieds à Besançon depuis des années, doit revenir dans sa ville d’origine afin de s’occuper de sa mère malade d’Alzheimer. Bien vite, il retrouve de vieux amis et doit faire face aux interrogations quant à sa vie, son métier. Pas simple. Parce que Jacky n’a jamais eu de vrai métier. Depuis qu’il a abandonné ses études de philo, il gagne sa croute en se faisant passer pour Mathieu Kassovitz. Jacky est effectivement le sosie parfait du célèbre acteur/réalisateur. Du coup, voilà des années qu’il monte des arnaques très lucratives et vit dans le mensonge. Son retour dans le Doubs pourrait lui permettre de cesser ses combines, de se ranger un peu. Mais très vite, sa rencontre avec Chloé, une avocate aux dents longues qui a vu clair dans son jeu, va bouleverser ses projets…

« Je n’ai pas parcouru vingt mètres que l’accent franc-comtois des piétons que je croise me fait déjà saigner les oreilles. Parce que les gens d’ici n’ont pas la bouche comme ailleurs. Et une fois en ville, je constate que, définitivement, peu de choses ont évolué. […] Les Bisontins me font l’effet de figurants qui décorent et remplissent les rues. Le fou devant la Brioche dorée, qui tend la main droite juste sous son menton, l’avant-bras collé au torse, allure de Didier Super et qui répète « Hé ! T’as pas dix balles ? » : présent. Les vieilles jumelles qui se coiffent et s’habillent de façon parfaitement identique, passent leur vie dans les transports en commun et s’engueulent en permanence : présentes. Tout ça, cette troupe de mauvais intermittents, ce folklore : archi présent. »

J’ai adoré ce roman que j’ai littéralement dévoré. Tout est là pour passer un excellent moment de lecture : de l’humour, des rebondissements, des sentiments… Et puis, cette ville, Besançon, qui est presque un personnage à part entière et que je connais très bien étant franc-comtoise d’origine – ce qui m’a sans doute permis de m’immerger encore plus dans l’histoire. J’avais déjà été conquise par le précédent ouvrage de l’auteur, Demain c’est loin (voir article ici), et je n’ai pas été déçue cette fois. L’idée de départ est loufoque et sort de l’ordinaire et les péripéties burlesques qui en découlent sont savoureuses. Le protagoniste, qui ne cesse de passer à côté de sa vie à force de se faire passer pour un autre, est vraiment attachant et les personnages secondaires hauts en couleur ne sont pas en reste. L’un d’eux d’ailleurs cachera fort bien son jeu. N’hésitez pas une seconde si vous souhaitez vous détendre avec un roman drôle et bien mené. Coup de cœur !

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A la recherche de l’or perdu

Bonjour ! Je retrouve la partie adulte du blog avec un polar sorti aux éditions du Seuil à la mi-janvier.

De cendres et d’or, B. Michael Radburn

Nous partons en Australie avec Ahora et Dylan, un jeune couple sportif épris de grands espaces et de sensations fortes. Ils traversent le parc national de Victoria à la recherche d’une mine d’or dont l’entrée a disparu depuis un siècle lorsqu’ils font une découverte macabre au fond du canyon. Ils n’ont pas le temps de s’attarder auprès du cadavre de la jeune femme car un violent incendie vient de se déclarer. Juste après avoir échapper aux flammes de justesse, ils contactent la police de Melbourne. Le sergent Marsden, chargé de l’enquête, sera secondé par Taylor Bridge, un ranger travaillant aux Parcs et Nature, ami du père d’Ahora, qui avait quelques temps plus tôt aidé la police dans une enquête concernant sa fille, décédée. Rapidement, l’équipe policière mat à jour un véritable charnier aux côtés du cadavre de la jeune femme qu’avait découvert le jeune couple. Qui a bien pu commettre ces crimes effroyables ? Que signifient tous ces symboles retrouvés dans la mine enfin ouverte après toutes ces années ?

« Taylor sentit la mine prendre une inspiration tandis que des feuilles brûlées se soulevaient pour flotter vers les ténèbres, puis retombaient immobiles sur le sol. Il attendit l’expiration, le courant d’air qui lui caresserait le visage et renverrait les feuilles à l’extérieur. Fermant les yeux, il huma l’odeur de la mine, celle de la pierre humide et des secrets. »

On se plonge facilement dans ce polar bien ficelé, reposant sur un secret de famille, qui nous dépayse en nous entraînant en terres australiennes. Les rebondissements sont multiples, le rythme prenant. Les descriptions de la mine – personnage à part entière – sont très réalistes et contribuent à instaurer une atmosphère angoissante. Toutefois, j’ai eu la sensation d’un manque. Au niveau des personnages. Le livre est sous-titré « Une enquête du ranger Taylor Bridges ». On s’attend donc à ce que ce soit lui qui mène les opérations. Or il n’en est rien. L’homme n’est là que pour aider à l’enquête. Le problème est que c’est le seul personnage qui soit vraiment travaillé sur le plan psychologique. Les autres enquêteurs – qui occupent les rôles principaux – ne sont pas vraiment développés. C’est dommage. Cela n’impacte pas la qualité de l’intrigue mais ne m’a pas permis de rentrer pleinement dans le livre. J’en ressors donc mitigée.

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Les Barbouzes

Bonjour ! Aujourd’hui, dans la famille Audiard, je vous offre le petit-fils, Marcel, qui publie le troisième roman de sa Crilogie chez Publishroom Factory.

Le Maure m’a tuer, Marcel Audiard

Vous résumer l’intrigue serait beaucoup trop compliqué pour la simple et bonne raison que ce roman qui compte près d’une cinquantaine de personnage est quasiment inénarrable. Je vais essayer de faire bref et simple. Un enfant a été enlevé par son père et sauvé par sa sœur anorexique et sa bande de copains. Une étudiante israélienne a, elle aussi, été séquestrée ce qui sème la panique au Quai d’Orsay. En tout, pas moins de cinq enquêtes de police vont s’entrelacer pour essayer de résoudre les enquêtes, retrouver les disparus et mettre hors d’état de nuire des méchants en veux tu en voilà.

« La vie à quinze ans s’étendait à un périmètre de deux heures du temps zéro. L’épicentre nucléaire tournait autour de la bouche et de son corollaire distal qu’il fallait soulager un nombre de fois considérable. L’adolescent mâle concourait chaque jour au record de temps passé aux toilettes à potasser mécaniquement ce qui lui tombait sous la main sous la main et à rêvasser. »

Autant vous prévenir d’emblée, si vous cherchez un petit polar pas trop prise de tête pour vous évader après une grosse journée de travail, passez votre tour. Voilà un bon moment que je n’avais pas lu un roman aussi complexe. Deux raisons à cela. La première, le nombre de personnages. Près d’une cinquantaine de personnages – un grand merci à la galerie proposée en exergue, j’y ai eu recours quasiment à chaque chapitre ! – vont et viennent au fil des enquêtes qui s’entremêlent. La seconde, c’est la langue extrêmement imagée de Marcel Audiard, digne de son célèbre aïeul. Je vous en ai donné un très maigre exemple ci-dessus mais tout le roman est à l’allant. S’il m’a fallu un petit temps d’adaptation pour goûter pleinement à ce savant jeu stylistique, à la fin, j’en aurais volontiers repris une lampée tant l’humour est omniprésent et surtout de haute volée! En tout cas, si comme moi, vous êtes amateurs de bons mots et que rassembler les pièces d’un puzzle façon bleu Klein à mille pièces ne vous effraie pas, foncez ! Bien sûr, je le range directement dans la catégorie coup de cœur !

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Sanguines

Aujourd’hui, je réactualise un article qui datait de début 2017. Philémon Le Bellégard m’avait alors fait parvenir son roman auto-édité et permis de découvrir son univers. J’ai le plaisir de vous annoncer que son roman qui a remporté le prix du meilleur roman indépendant toutes catégories confondues est désormais édité dans la collection Clair-Obscur des éditions Evidence.

Syndrome de Stockholm, Philémon Le Bellégard

Enstenov Khalinek, homme d’affaires multimillionnaire à la morale douteuse mais surtout très grand esthète, se prend d’une passion artistique pour le jeune Stendriëk Börgen, un peintre suédois aussi génial que torturé. Pendant dix ans, Khalinek décide de mettre tous les moyens possibles à la disposition de l’artiste afin qu’il puisse exercer son art en toute liberté.

Après toutes ces années passées à peindre quasiment nuits et jours, Börgen accepte de présenter son grand œuvre lors d’une exposition colossale, à la hauteur de la collection qu’il a à présenter. Plus de 3200 toiles, toutes peintes en rouge, vont venir peupler la gigantesque Gallery of the Immortality du Titanium Palace de Los Angeles.

Lors de l’ouverture de l’exposition à la presse, alors que tous les professionnels contemplent, subjugués, l’œuvre titanesque, une journaliste spécialisée dans la critique d’art ose aborder le génie pour lui poser la question qui brûle les lèvres de tous ses collègues : quelle matière a-t-il employer pour réaliser ses milliers de toiles ? Sans le savoir, Anna vient de pénétrer dans les arcanes les plus profondes de la folie humaine…

Pari réussi pour Philémon Le Bellégard qui a réussi à me kidnapper avec son thriller artistique et psychologique. Avant d’évoquer le fond, un petit mot sur le style. L’auteur parvient à mêler à merveille une écriture à la fois épurée et érudite dans des chapitres qui présentent différents styles (extraits de journaux, d’interviews, récit…). En ce qui concerne le fond, ce premier roman comporte tous les ingrédients nécessaires pour convaincre le lecteur de parcourir un chemin aussi pervers et cruel soit-il. Certes, ce livre ne conviendra sans doute pas aux âmes sensibles. Mais si, comme moi, vous êtes amateurs de manipulation, de folie et d’hémoglobine, alors vous serez sans nul doute conquis. Outre tout l’aspect psychologique et notamment la détention de la journaliste qui finira par se prendre de sentiments pour son teneur d’otage – frappée donc du fameux syndrome de Stockholm – toute la réflexion sur l’art et la morale est extrêmement intéressante. Jusqu’où l’artiste peut-il aller au nom de l’art ? Je vous laisse vous faire votre propre opinion en compagnie de ce roman coup de cœur que vous pourrez découvrir en vidéo ici.

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Vendettas

Bonjour ! Aujourd’hui, je vous emmène en Corse avec ce roman paru fin juin aux éditions du Seuil.

Alta Rocca, Philippe Pujol

alta-roccaNous sommes dans les années 1850, dans la région de l’Alta Rocca, au beau milieu des montagnes de la Corse du Sud. Les français tentent difficilement d’imposer leur mode de vie et leurs lois. Deux frères, derniers hommes de la lignée des Manghjà Orso doivent fuir leur village d’origine s’ils souhaitent rester en vie. Le cadet, Giovanni, quitte bientôt son île natale pour l’Amérique, sur les traces de son père. Quant à Orso, l’aîné, il choisit de prendre le maquis afin de faire perdurer son nom et sauvegarder son honneur. Il ira de vendetta en vendetta, essaiera en vain de pacifier la région tout en tentant d’échapper à ceux qui veulent sa peau.

« Ce qu’Orso savait mieux que quiconque, c’est que la vendetta n’avait rien de primitif. Ce droit disciplinaire et coercitif assuré par voie d’autorité guidait les chefs et leur permettait de prévenir les conflits susceptibles de bouleverser l’ordre établi et de compromettre les forces brutales de la petite société formée par la communauté de sang élargie […]. Avec les paceri, ces diplomates de la paix, la vendetta reprenait sa dimension politique, pourvoyant aux fonctions de défense, de justice comme d’hégémonie. »

Si la fine plume de Pujol m’a fait voyager dans la Corse profonde du milieu du 19ème siècle, j’avoue ne pas avoir été totalement convaincue par ce roman que j’ai trouvé trop contemplatif. J’ai vraiment eu du mal à me plonger dans cette intrigue faite de vengeances entre familles sur arrière-fond politique. L’action est très lente, les personnages taiseux et violemment froids. Globalement, je me suis ennuyée d’autant que je ne suis pas une grande amatrice de romans historiques. Seule l’intrigue autour du personnage d’Annamaria, jeune corse envoyée à Marseille pour officier dans une maison de passe qui reviendra sur ses terres, m’a poussée à terminer le livre. Attention, le roman n’est pas du tout mauvais en soi car le style est bon, mais je n’ai simplement pas réussi à accrocher. Je le conseille surtout aux amateurs d’Histoire et à ceux qui souhaitent en découvrir davantage sur cette aussi belle que mystérieuse région qu’est la Corse.

 

 

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Danse macabre

Bonjour à toutes et tous ! Je reviens avec un polar polaire qui paraîtra aux éditions  de La Martinière le 24 mai. 

Nuuk, Mo Malø

nuukL’inspecteur Qaanaaq Adriensen reprend doucement du service en devant se plier à des rendez-vous quotidien avec la psychiatre Pia Kilanaq, chargée de vérifier sa capacité à se confronter au terrain. Il doit effectuer une tournée de routine à travers tous les postes de police du Groenland et a interdiction formelle de s’occuper de la moindre affaire importante. Au détour d’une visite, il apprend le suicide d’une jeune fille. Rien de très étonnant dans ce pays qui compte le plus fort taux de suicide au monde. Le hic, c’est que l’adolescente, placée en foyer depuis de nombreuses années, ne montrait aucun signe de détresse particulier. La curiosité du flic l’emporte sur les ordres de son supérieur. Et lorsqu’il reçoit un paquet contenant un bien étrange présent alors qu’il est à l’autre bout du pays, il se lance dans une enquête à ses risques et périls.

« Un banal suicide pouvait-il être considéré comme un « dossier sérieux » ? Qaanaaq connaissait la réponse. Mais déjà l’adrénaline policière irriguait ses vaines, balayait ses réserves, réveillait l’un après l’autre ses automatismes de flic ».

J’ai été conquise par ce roman de Mo Malø qui m’a fait voyager dans un pays dont je ne connaissais pas du tout les coutumes. L’intrigue joue sur les références à la culture groenlandaise, aux conteurs et rites chamaniques et nous entraîne dans les terres glaciaires les plus reculées. Un sacré dépaysement ! L’intrigue est prenante même si j’avoue avoir flairé le coupable assez rapidement même si tous les fils ne se recoupent véritablement qu’à la fin, révélant le profil d’un meurtrier pour le moins complexe. L’auteur donne une belle profondeur à son personnage principal, hanté par ses fantômes et à l’aube d’une nouvelle vie car il va devenir père et se marier. Saura-t’il affronter ses démons et être suffisamment présent pour sa famille ou l’appel de la justice sera-t’il plus fort ? Toujours est-il qu’il pourra compter sur son fidèle équipier et ami Apputiku pour le couvrir et lui donner un coup de main. Amateurs de polars et de voyages, vous ne serez pas déçus ! En attendant de pouvoir vous procurer le livre, vous pouvez déjà retrouver les images de l’expédition de Mo Malø sur son compte Instagram.

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Paranoïa

Aujourd’hui, je vous présente un polar qui vient de paraître aux éditions du Seuil.

Noir comme le jour, Benjamin Myers

noir-comme-le-jourDans une petite bourgade au fin fond de la campagne anglaise, le corps d’une ancienne gloire locale du cinéma X est retrouvé inanimé au milieu d’une ruelle. La victime a la gorge tailladée d’une oreille à l’autre. Heureusement pour elle, elle survit à ses blessures. Son histoire ne tarde pas à susciter l’intérêt malsain d’un des plus importants tabloïds du pays et une forme d’hystérie locale se développe, chacun y allant de ses suspicions. Bientôt, d’autres agressions du même type vont être recensées. Le regard de la police du coin ne tarde pas à se porter vers Tony Garner, « l’idiot du village », qui ferait un coupable idéal. Mais le reporter du journal local, Roddy Mace, et l’inspecteur James Brindle, provisoirement suspendu de ses fonctions, ne croient pas à cette piste.

Voilà un polar pas comme les autres avec des enquêteurs présentés comme de parfaits anti-héros. D’ailleurs, davantage que les victimes et les crimes, ce sont eux à mon sens les sujets principaux de ce roman noir. L’auteur met en effet l’accent sur la psychologie de ce couple d’enquêteurs hors-norme, insistant sur leurs failles – dépendances, instabilité psychique – et leur mise à l’écart professionnelle. Benjamin Myers dépeint avec brio le paysage, l’ancrage dans cette région anglaise qui apparaît comme désolée avec ses pluies incessantes et ses autochtones pour le moins bourrus et rétrogrades qui côtoient des jeunes post-hippies en quête d’un mode de vie plus proche de la nature. Evidemment, on cherche le coupable de ces agressions – il n’y a pas de meurtres, enfin, pas dans les premiers temps -, mais ce n’est pas vraiment le plus important, l’essentiel étant de chercher à comprendre l’état d’esprit de cette vallée. Et pour cause, il ne s’agit vraiment pas d’un criminel comme les autres… Si j’ai réussi à déceler le mystère assez rapidement, j’ai néanmoins aimé me laisser porter par les pages et l’ambiance très sombre créée par l’auteur. J’ai surtout apprécié le dénouement qui ne ressemble en rien à ceux des innombrables polars que j’ai pu lire. Et je me suis même étonnée moi-même à apprécier une certaine lenteur. Bref, une très jolie surprise pour ce roman inspiré d’événements réels qui ont traumatisé le West Yorkshire dans les années 30.

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Fait-divers

Aujourd’hui, c’est d’un polar qui sort un peu de l’ordinaire dont je vais vous parler qui est paru aux éditions L’âge d’homme.

De fiel et de fleurs, Guy Y. Chevalley

de-fiel-et-de-fleursDébut du vingtième siècle. Monsieur et Madame Doudieux coulent une vie paisible de bons bourgeois. Monsieur tient son affaire de façon fort rigoureuse, ce qui lui vaut le succès mais aussi l’animosité de ses rivaux. Madame, quant à elle, profite de sa situation pour goûter aux bonheurs futiles de l’existence. Tout serait parfait dans le meilleur des mondes si Madame n’était pas tombé un jour sur une lettre anonyme en ouvrant le courrier. Le message incite son mari à l’empoisonner ! Elle ne le sait pas, mais ce dernier a déjà reçu de nombreuses missives de la sorte par le passé. Une ombre vient planer sur le ménage mais bien vite, tout rentre dans l’ordre. Jusqu’au jour où un célèbre ténor belge, suite à un malaise, décide de passer la nuit chez eux pour se reposer. Le malheureux ne sortira pas vivant de la demeure… Quelques temps plus tard, M. Doudieux se remémore une histoire qu’il avait eu avant de rencontrer sa femme.

Aussi fou que cela puisse paraître, cette histoire est tirée de faits réels. L’auteur nous raconte avec une ironie finement mordante comment un couple de bourgeois échappe à plusieurs tentatives d’empoisonnement de la part d’une ancienne conquête du mari alors qu’un artiste qui va passer une nuit chez eux de façon totalement hasardeuse succombera à l’absorption de médicaments empoisonnés. La réalité dépasse souvent la fiction, c’est le cas de ce fait-divers ! Qu’un couple ne se soit pas affolé outre mesure de recevoir des lettres d’un corbeau et des cadeaux empoisonnés est hallucinant ! Si l’intrigue est excellente, la mise en récit ne l’est pas moins et Guy Y. Chevalley retrace l’histoire d’une façon fort agréable, ménageant le suspens comme dans un roman feuilleton. L’ironie, présente par petites touches, fait sourire mais laisse également le lecteur réfléchir sur la société de l’époque en évoquant les thèmes du mariage et du célibat, de la classe bourgeoise et de la classe ouvrière, de la frivolité et du désespoir, et de la place de la femme. Un court roman à savourer avec une bonne tasse de thé au coin du feu. Coup de cœur !