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La croisière ça use

Bonjour à tous ! Je reprends le blog pour une toute dernière chronique côté adultes. Je continuerai à partager mes lectures de façon plus ponctuelle sur Instagram (@le_petit_monde_de_naurile) car je n’ai clairement plus le temps de rédiger de longs articles. Mais j’avais promis à cet auteur qui m’avait fait la gentillesse de m’envoyer son dernier opus d’écrire un petit mot ici alors comme je suis une fille qui tient ses promesses et comme l’idée de savoir qu’un écrivain va se balader à poil dans les rues de Montargis une fois cet article en ligne m’amuse, voilà, je m’exécute. Je suis très heureuse de vous présenter ce rocambolesque roman noir paru en octobre dernier aux éditions Ramsay. Pour info, j’avais déjà encensé Commedia Nostra du même auteur ici.

Venenum, Sylvain Gillet

Abel Diaz et ses acolytes jazzmen embarquent pour une croisière rémunérée afin de divertir des vendeurs médicaux en séminaire de motivation. Pas la consécration pour nos musicos mais une façon comme une autre de se remplir un peu les poches. La transatlantique aurait pu se dérouler de façon pas trop désagréable pour le groupe mais c’était sans compter la mort soudaine d’Orville Montgomery, un des compagnons d’Abel. Ce dernier, accompagné de sa fidèle Linda, une guitare à la langue bien pendue, certain que son ami n’est pas mort naturellement, décide de mener l’enquête. En France, le commissaire Amadeo mène l’enquête sur une série de meurtres de prostituées du côté de Bourges. Quel est le rapport ? Ben faudra lire le bouquin les cocos !

« L’œil ultra-perfectionné d’Abel Diaz lui permet d’estimer la proportion féminine des VM à soixante-deux pour cent. Peut-être soixante-trois, faut voir. La moyenne d’âge des médecins visités n’étant pas des plus basses, celle des VM correspond. Inutile de mettre en face du jeunot à la crédibilité vacillante. La plupart dépasse donc la quarantaine. Et cette même plupart, qu’elle soit féminine ou masculine, est dotée d’un physique plutôt avenant. Logique. On n’est pas des représentants, mais on représente quand même. On ne va pas imposer des Quasimodo à des médecins qui n’ont rien demandé. / D’un point de vue global et surtout diazesque, la fesse est donc jugée ferme. Du beau physique pour émoustiller monsieur le Docteur et des dents blanches pour rire à ses blagues. La petite population commerciale envahit bientôt les couloirs du navire. Bien qu’habitués à être choyés lors des séminaires, les VM gentlemen ou women – libre à chacun d’inclusiver comme il l’entend – sont impressionnés par le luxe de l’embarcation. »

Plus qu’heureuse de retrouver le style bien à lui de Sylvain Gillet que j’avais découvert il y a quelques mois avec Commedia nostra. J’étais d’ailleurs contente de retrouver certains protagonistes en personnages secondaires ici. De l’humour en veux-tu en voilà, de la satire, du graveleux assumé mais surtout une incroyable richesse stylistique et culturelle. Côté intrigue, c’est extrêmement bien pensé. L’auteur parvient à réunir tous les fils avec brio et à maintenir le suspens jusqu’à la fin. On ne s’ennuie pas une seconde ! Franchement, ça mériterait d’être adapté au cinéma, ça me fait tellement penser à du Audiard ! Un très gros coup de cœur pour cette histoire de vengeances assez capillotractée. Si vous voulez passer un bon moment de lecture à la fois drôle et intelligent, n’hésitez pas ! (promis, l’auteur ne m’a pas payée pour dire ça !)

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Les pépés flingueurs

Bonjour ! Je reviens avec de la littérature adulte. Je n’ai malheureusement plus beaucoup de temps ni pour lire ni pour rédiger des chroniques en bonne et due forme. Par conséquent, je ne partagerai ici plus que les lectures pour lesquelles j’ai un véritable coup de cœur. C’est le cas pour le roman dont je vais vous parler aujourd’hui. J’en profite pour remercier chaleureusement l’amie qui me l’a offert avec une dédicace de l’auteur. Il est paru aux éditions Ramsay.

Commedia nostra, Sylvain Gillet

Antoine Aria, tragédien en fin de carrière, en est réduit à se transformer en carotte géante pour boucler ses fins de mois. C’en est trop, il lui reste encore trop d’estime de lui-même pour accepter une fois de plus de se faire ridiculiser de la sorte. Par chance, son agent, Max Malakian, lui propose enfin un rôle à sa hauteur. Il devra jouer un vieux mafieux. Niveau cachet, ce sera le jackpot. Impossible pour notre comédien de refuser, même si le contrat sort de l’ordinaire car il s’agira de jouer une seule fois, en direct.

Notre anti-héros devra donc interpréter le rôle de Pepe di Marzio sensé se réconcilier avec son petit frère Maurizio avec qui il n’a plus de contact depuis cinquante ans suite à une affaire de vol de bijoux et de femme afin de récupérer le pactole confié par leur Mama au monastère du coin. Le premier est parti s’offrir une respectabilité en France tandis que le second s’est exilé en Amérique. Seulement voilà, Pepe est mort avant la réconciliation et son fils, François de Maziol, ne compte pas passer à côté du trésor. Voilà pourquoi il embauche Antoine, le portrait craché de son père, pour qu’il joue le rôle du vieux.

J’ai adoré de la première à la dernière ligne ce roman rédigé dans un style à la Audiard, avec moult jeux de mots, références sociétales et pop culturelles et interventions du narrateur. Alors certes, il faut aimer l’humour parfois graveleux, mais franchement, voilà un polar comique qui fait du bien et qui change de ce qu’on a l’habitude de lire. L’auteur, comédien, réalisateur et scénariste connaît parfaitement son sujet et se joue de tous les clichés du milieu – agent au trois-quarts véreux, comédiens gauchistes sans le sou. Tout cela assaisonné de sauce mafieuse. Un régal ! Une scène est particulièrement digne des Tontons flingueurs, les silencieux en moins. Si les les trois protagonistes – Antoine Aria alias Pepe, Max Malakian – l’agent pourri -, et Clarence Charvel, comédien dans la même agence qu’Antoine, son ennemi de toujours – sont vraiment à se tordre, tous les personnages sont très bien travaillés et même les plus sérieux finissent par devenir comique. Mention spéciale pour Miguel, alias Dernière Image, l’homme de main du regretté Pepe. Bref, si vous voulez passer un bon moment, n’hésitez pas ! Par contre, premier degré s’abstenir !

« Pepe et Maurizio di Marzio quittent le soleil emmerdeur d’une petite allée pour l’ombre d’un bosquet. L’endroit devrait être plus propice à explications que le chemin trop exposé. C’est que les deux comédiens viennent de se faire rejoindre par leur agent. Celui-ci a fait le tour du bâtiment à la vitesse grand V, la rapidité grand R et même la célérité grand C. Ils ont des éclaircissements à lui demander. Quantité d’éclaircissements. Et la demande pourrait se faire avec une générosité de mouvements et des intempestivités physiques que seules des origines italiennes ne pourraient expliquer. D’ailleurs, les intempestivités ne tardent pas à apparaître. Dès son arrivée, Malakian est saisi par le col. Antoine est à deux doigts de le corriger, avec l’approbation participative de son collègue Clarence »

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Naissance

Bonjour ! Je reprends les articles pour les adultes avec un excellent thriller psychologique paru chez Eyrolles.

On noie bien les petits chats, Françoise Guérin

Betty doit bientôt accoucher. Son mari est absent. Elle le sent, les contractions se font de plus en plus douloureuses et intenses. Mais quand elle se rend à la maternité, une sage-femme acariâtre la renvoie chez elle en lui disant que ce n’est pas encore le moment. Elle retourne tant bien que mal à son appartement. Quand elle reprendra connaissance à la maternité, elle découvrira avec horreur que quelqu’un se faisant passer pour son mari a baptisé son fils Noé. Elle tente, en vain, de convaincre le personnel médical qu’il s’agit d’un imposteur et que cet homme lui veut manifestement du mal. Malheureusement, les soignants la pensent folle… Elle est bientôt transférée dans l’unité psychiatrique mère-enfant de l’hôpital sans trop comprendre ce qu’elle fait là. Mais entourée des soignants et des autres patientes elle finira par rencontrer son bébé, percer le mystère de son prénom et laissera avec lui les digues mises en place par son esprit pour se protéger des traumas de son enfance voler en éclat…

Noé. Enigme de ce prénom qu’un autre a choisi à ta place et qui fait vibrer ton être au-delà du raisonnable. Trois lettres maléfiques et bouleversantes./ Gravées dans ta chair par une main inconnue./ Familiarité insensée de ce prénom, hors de toute référence./ Tu ne connais pas de Noé, tu n’en as jamais connu, tu ne veux pas en connaître !/ Violence de la douleur qui te lamine sans raison./ Mélange d’horreur et de peur dont la cause te reste étrangère./ Que ça s’arrête./ Que ça se taise./ Que ça disparaisse à jamais./ Et qu’on te laisse tranquille dans ta sage ignorance.

J’ai tout simplement adoré ce roman qui a su me captiver dès les premières lignes. Françoise Guérin – psychologue clinicienne spécialiste dans le lien mère-enfant – décrit à la perfection tous les sentiments qui peuvent se mêler suite à un accouchement et parvient à instaurer un climat de tension très efficace à tel point que l’on peine à lâcher le livre. La psychologie du personnage principal est très étayée et vraiment très réaliste. Tout est fait pour douter de sa santé mentale, de ce qui est réel tant les événements semblent impossibles et elle-même finit par douter de ce qui lui arrive. La narration à la deuxième personne du singulier accentue la mise à distance que Betty met entre elle et ses émotions, entre elle et ce bébé sortit d’elle, nommé par un autre terrifiant. Le cadre de l’unité psychiatrique créé un huis-clos qui accroît la sensation d’oppression propice à une atmosphère angoissante. Enorme coup de cœur pour ce thriller psychologique passionnant, d’une grande intelligence et d’une qualité d’écriture remarquable qui offre une réflexion profonde sur la maternité.

« Un temps. Infini. Le bébé entre tes cuisses, immobile, silencieux. Irréel./ Tu le contemples, incrédule. Tu n’as pas le réflexe de le prendre contre toi. Tes bras ne t’obéissent plus./ Froid. Tu as froid. Tu te vides par la béance de ce corps transpercé.// C’est fini. Tout est fini. Le bébé mort. Camille qui ne répond pas. Et toi que la vie déserte en vagues sanglantes. Une seule pensée, déroutante : avec tout ce sang sur le parquet, tu peux dire adieu à la caution de l’appartement. »

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Chienne de vie

Bonjour ! Aujourd’hui, je vous présente le deuxième roman d’une auteure suisse prometteuse. Il est paru fin 2021 aux éditions Slatkine.

La Chienne-Mère, Simona Brunel-Ferrarelli

Allegra Felice est la dernière née d’une famille où règne la violence. Violence du père, verbale et physique, de la mère, qui ne la désirait pas, de ses grands frères qui la rudoient. Un jour, avec Sahi, un jeune voisin, Allegra découvre des chiots dans la ferme familiale. Elle adopte Mère et Sahi prend Bandit sous son aile. Enfants et chiens grandissent ensemble jusqu’à ce que l’enfance prenne fin.

« Ma mère comprit alors que le calvaire commencé huit mois plus tôt n’était pas fini. Qu’une fille amène avec elle des soucis qu’un garçon balaye d’un regard et qu’elle souffrirait pour moi si par malheur je ne m’harmonisais pas, si je n’avais pas de talents pour attraper les princes ou que si, comble de l’horreur, je poussais vicieuse.

Elle désira alors revenir en arrière, dans son enfance à elle, avant l’arrivée de son prince qui était féroce. Avant sa propre impossibilité de vouloir autre chose. Et elle se dit que, si elle avait été une bête, elle m’eût dévorée probablement.

Prends-la, insista la vieille en me collant à son sein. Il faut créer le lien, comme avec les garçons.

Un grand froid me saisit au moment où mes lèvres harponnèrent son sein sec. Un froid d’inexistence, un froid de déchirement. Au bout de mes petits doigts d’enfant, la faim arriva tout à coup, féroce, chienne, colossale. Une fin invisible aux yeux de tous, une plaie d’Egypte, infernale. Je tirai sur ces mamelons gras, vides, tombés en disgrâce, mais rien ne vint.

Ma mère me résistait.

Alors, presque instinctivement, je mordis le sein.

C’est mon dernier enfant, jura-t-elle en allongeant le mamelon pour tirer le lait. »

Chronique de la violence ordinaire, familiale et sociétale, La Chienne-Mère est un roman marquant, grâce à l’écriture acérée et brutale de Simona Brunel-Ferrarelli. J’ai trouvé la question toujours complexe des rapports mère-fille très bien traitée avec un parallèle peu commun avec le sentiment maternel de l’animal. Une lecture intense, qui prend aux tripes et fait également réfléchir sur la place de la femme dans la société. Coup de cœur !

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David contre Goliath

Bonjour ! Après des semaines d’absence (peu de temps pour lire et encore moins pour rédiger les articles…) me revoilà avec un roman d’actualité qui vient de paraître aux éditions Tana.

Le crépuscule des abeilles, Célestin Robaglia

Elsa et Alice sont jumelles mais ne se ressemblent pas. Alors qu’au sortir du lycée, Alice décide de sortir des sentiers battus pour devenir apicultrice et mener une vie simple dans la maison de sa grand-mère au fin fond de la Dordogne, Elsa suit la voie paternelle et entame des études de droit à Paris. Malgré leur différence de mode de vie, toutes deux partagent le même amour de la nature et du vivant. La jeune avocate se lance dans un combat sans relâche contre un géant de l’agrochimie pour homicide volontaire dans une affaire d’empoisonnement au glyphosate. Alice, elle, voit ses ruches décimées à cause des pesticides répandus par les agriculteurs qui l’entourent son terrain et tente de lutter à un niveau local pour instaurer une distance minimale pour les épandages autour des habitations.

« Controverse et présomption d’innocence, voilà le combo magique pour l’industrie ! Avec le lobbying, c’est le principal obstacle dans ce type de sujet. C’est très compliqué pour un juge de condamner un produit si la science n’est pas unanime sur le sujet. Résultat, les fabricants continuent de distribuer les produits quarante ou cinquante ans après les premières études démontrant leur toxicité. »

Par le biais de ses deux personnages féminins, le jeune auteur balaie tout le spectre de la problématique des pesticides, de leurs conséquences à la fois environnementale et de santé publique, de la façon dont se déroulent les procès actuels contre les grandes firmes et la manière dont ces dernières tentent de se protéger. Extrêmement documenté, ce roman peut tout aussi bien se lire comme un essai sur le sujet. En effet, hormis la trame romanesque, tout est vrai et sourcé : études scientifiques, chiffres, explications de concepts juridiques ou encore rappel de faits historiques. On ressort donc de cette lecture très bien informé sur le sujet brûlant des néonicotinoïdes et surtout écœurés par la manipulation et la désinformation de ces grandes entreprises (Bayer – Monsanto pour ne pas les citer) pour lesquelles le profit est plus importante que les vies humaines et la nature. Car le livre n’est pas un manifeste contre l’agriculture dite conventionnelle; il est bien rappelé que ce sont les agriculteurs eux-mêmes qui sont les premières victimes de ce poison qui leur est vendu comme étant parfaitement inoffensif. Voilà un texte bien construit, engagé, très explicatif mais facile et agréable à lire grâce au côté romanesque. Parfait pour toucher et sensibiliser le grand public sur le sujet.

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Inexplicable

Bonjour ! Aujourd’hui je vous présente un roman finnois qui est une belle découverte et un vrai coup de cœur paru dans sa traduction française cet automne aux éditions Bleu et Jaune.

Choses qui tombent du ciel, Selja Ahava

Une enfant, Saara, huit ans, raconte : sa vie dans sa Maison en sciure puis dans le Manoir de sa tante; la mort de sa mère – quasi surréaliste -, le gros lot au loto et les moutons. En fait, le gros lot sera remporté deux fois par la tante Annu. C’est totalement inexplicable et difficile à vivre pour cette dernière. Tout comme il est incompréhensible pour monsieur MacKay de savoir pourquoi il a été frappé plusieurs fois par la foudre et s’en est toujours sorti. Alors comprendre pourquoi sa mère a été tuée par un bloc de glace tombé du ciel, pour une enfant de huit ans, c’est aussi compliqué, même pour son père d’ailleurs, qui peine à s’en remettre. Tous cherchent des explications à ce qui leur arrive, essaient de trouver un sens à cette existence qui en semble si dénuée…

« Les adultes demandent tout le temps aux enfants à quoi ils pensent. Je crois qu’ils s’inquiéteraient si les enfants leur répondaient la vérité. Par exemple si on a trois ans et qu’il y a du vent, il vaut mieux ne pas fixer l’horizon et dire : « Je réfléchis à d’où vient le vent. » On racontera plutôt qu’on joue à être un hélicoptère. »

Je crois que dès la lecture de cette phrase qui constitue presque l’incipit, j’étais conquise. J’ai été happée par ce texte à l’allure de conte dans lequel les voix s’entremêlent, faisant place à des récits aussi enchanteurs que cruels. J’ai aimé suivre les différents personnages, leur point de vue sur le monde, sur la façon dont les évènements se produisent, sans que l’on ait aucune prise véritable dessus au final. Si mes passages préférés sont ceux où l’enfant est la narratrice avec un regard sur ce qui l’entoure très poétique, j’ai trouvé que l’échange de lettres entre la tante et le fameux monsieur MacKay sort vraiment de l’ordinaire avec des références au réel intégrées à l’intrigue. Cette relation purement épistolaire, entre deux êtres qui ne se connaissent pas contribue à accroître l’idée que rien ne s’explique vraiment et que les liens qui nous unissent tiennent à un fil parfois extrêmement fin. Une écriture délicate pleine de poésie et de magie sert habilement l’histoire qui tire en arrière fond ses références de Lewis Caroll, Hoffmann et des frères Grimm. Coup de cœur donc pour ce joli roman qui interroge autant qu’il éclaire notre quotidien à la fois surprenant et ordinaire.

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A la recherche de l’Atlantide

Bonjour ! Je vous propose aujourd’hui un roman pour ados paru fin septembre aux éditions Larousse.

Love and Olives, Jenna Ewans Welch

La narratrice, Olive mais qui souhaite qu’on l’appelle Liv, a conservé 26 choses de son père qui l’a abandonnée quand elle avait 8 ans. 26 choses auxquelles elle s’est accrochée jusqu’à ce qu’elle parte à Santorin, retrouver celui qui l’a délaissée pour sa folle quête de l’Atlantide, cette ville engloutie au large d’Athènes à laquelle Platon fait référence dans le Critias. Lorsque sa mère lui demande de faire l’effort de traverser l’Atlantique pour rejoindre son père car ce dernier a besoin d’elle, Liv n’est pas des plus enthousiastes. Elle avait prévu de partir avec son petit copain, Dax, et d’autres amis pendant les vacances avant qu’il ne prenne le chemin de l’université. C’est à reculons que la jeune fille s’envole pour la Grèce. A l’atterrissage, alors qu’elle s’attend à être accueillie par son père, c’est la désillusion. Il n’est pas là. C’est Theo, un superbe jeune homme survolté, qui est chargé de la conduire auprès de son père. Bientôt, elle connaîtra enfin la raison de sa venue…

« […] ce qui me frappe le plus, c’est le blanc. Les maisons, les églises et les allées luisent toutes d’un blanc pur dans la lumière du soleil couchant, interrompu ici et là par des explosions de fleurs de bougainvillées fuchsia et le bleu vif des drapeaux grecs ».

Soyons honnêtes, lorsque j’ai commencé la lecture de ce pavé – 507 pages -, je ne pensais absolument pas que j’allais accrocher à cette histoire d’adolescente à la quête de son père. Pourtant, je dois bien avouer que je me suis laissée entraîner par ce récit qui mêle romance, aventure et quête initiatique. Alors, personnellement, avec mon regard d’adulte, j’ai trouvé que certains dialogues et réflexions se répétaient et qu’on aurait gagné à élaguer une bonne cinquantaine de pages sur les émois amoureux des ados. Passé cela, l’autrice a fourni un sacré travail de recherches sur l’Atlantide et Santorin. On apprend beaucoup et les descriptions donnent franchement envie d’arpenter la cité d’Oia. Pour ce qui est de l’intrigue familiale, je m’attendais plus ou moins aux explications et au dénouement mais encore une fois, l’ouvrage est destiné à des adolescents qui se laisseront sans doute facilement convaincre par ce roman dépaysant. Mention spéciale pour ma part à la bibliothèque, lieu central de l’histoire. Les amateurs de livres apprécieront !

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S’aimer à en mourir

Bonjour ! Aujourd’hui, je vous présente un livre hors du commun, paru en mai dernier aux éditions Mu.

Les oiseaux du temps – Amal El-Mohtar et Max Gladstone

Bleu et Rouge sont deux combattantes ennemies. Elles s’affrontent depuis des années dans une étrange guerre temporelle. Contre toute attente, elles s’engagent dans une correspondance interdite à travers le monde et les époques. Ces lettres ont pour particularité de ne pouvoir être lues qu’une seule fois, afin de ne se faire repérer par leurs supérieurs. Bientôt, un amour naîtra de ces échanges mais ce sentiment sera source d’un grand danger.

« […] mais je te regarde, Rouge, et je me reconnais beaucoup en toi; un désir d’être seule, parfois, de comprendre qui je suis sans le reste. Et ce à quoi je retourne : la conscience que je considère comme un moi pur, inéluctable… c’est la faim. Le désir. Le désir de posséder, de devenir, de se briser telle une vague sur un rocher, de se reformer, puis de se briser encore et d’être emportée. C’est un élément indispensable à tout écosystème, mais cette incapacité à être satisfaite dérange les autres. Il est difficile, très difficile de se lier d’amitié quand on désire consumer, de trouver ceux qui, quand ils demandent « Es-tu encore là? », quand ils terminent leur lettre par « A toi », pensent vraiment ce qu’ils disent.

Alors je pars. Je voyage plus loin et plus fort que la plupart, je lis, j’écris et j’aime les villes. Etre seule dans une foule, à part et à ma place, avoir une distance entre ce que je vois et ce que je suis. »

Pour être honnête, j’ai vraiment eu du mal à accrocher au début de ce roman d’une extrême complexité. Mais face à la beauté et à la richesse de l’écriture, j’ai choisi de m’accrocher et je n’ai pas été déçue. Ce roman de science-fiction, que je pourrais presque qualifier de long poème en prose, est une véritable ode à l’amour et à l’humanité. Il est de ces livres que l’on peut lire et relire avec le même plaisir en découvrant un sens nouveau à chaque fois. Un roman épistolaire qui donne la part belle à un imaginaire d’une incroyable créativité qui mêle amour, aventure et réflexion sur l’Homme. Coup de cœur pour ce roman qui a remporté en 2020 les prix Locus, Nebula et le Hugo des meilleurs romans courts.

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La faille

Bonjour ! Voici un roman touchant paru début mai aux éditions du Rocher.

Plus immortelle que moi, Sophie Henrionnet

Mathilde, pharmacienne, mère de famille et épouse exemplaire voit sa vie basculer en même temps qu’arrive son quarantième printemps. Comment cette femme à l’existence parfaitement huilée va-t-elle se retrouver en maison de repos ? Sur les conseils de sa psy, Mathilde va tenir un journal pour retracer ses derniers mois et laisser remonter à la surface ses souvenirs d’enfance, notamment sa relation avec son frère, Charly. Ce qu’elle ne parvient pas à dire en séance, peut-être réussira-t-elle à l’exprimer sur le papier. En même temps que ses souvenirs, notre protagoniste relate sa vie en clinique, les autres patients dont sa voisine de chambre qui reste silencieuse, l’horrible infirmière Moustache qui n’a de cesse de les persécuter. Elle évoquera aussi sa rencontre inattendue avec l’incroyable Daphné…

« Puissante, imposante. C’est très clairement les qualificatifs qui se sont immédiatement imposés à mon esprit. Parce que la seule présence de Daphné suffit à vider le vestibule de l’oxygène qui s’y trouvait, je n’ai été en mesure de réfléchir plus avant. Puissante, imposante, évidente, malgré la criante détresse qui semblait l’habiter tout à la fois. Daphné éclipsait le reste, tout ce reste qui nous entoure… Je me suis trouvée sidérée, Dorine, et j’ai laissé la scène se dérouler. »

Dès les premières pages, j’ai été totalement absorbée par le récit de Mathilde, par ces souvenirs qui remontent comme un goutte-à-goutte, entrecoupés par les allusions à son quotidien en « institut de repos », euphémisme pour évoquer la clinique psychiatrique où elle est censée se reposer mais aussi comprendre les raisons pour lesquelles elle a atterri dans ce lieu. Quels ont été ces éléments déclencheurs ? Que lui est-il arrivé pour se retrouver dans ce lieu alors que toute sa vie était parfaitement réglée jusque-là ? Sophie Henrionnet nous invite dans l’univers d’un personnage touchant, en abordant avec tact le sujet délicat de la santé mentale, de ces ruptures qui peuvent avoir lieu sans que rien ne les laisse à prévoir. On assiste tout autant à la chute qu’à la reconstruction du personnage et ce n’est que dans les dernières pages que nous comprendrons la raison du burn-out de Mathilde. J’ai dévoré les pages à une vitesse incroyable, happée à la fois par le récit drôle et touchant du quotidien à la clinique et par celui du road-trip à la Thelma et Louise de Mathilde et Daphné. J’ai beaucoup apprécié aussi la technique narrative du journal qui apporte beaucoup de souplesse au texte. Joli coup de cœur !

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Western du grand nord

Bonjour ! Aujourd’hui, je vous conduis dans le grand nord avec ce western dystopique paru aux éditions Zulma le 1er avril.

Au nord du monde, Marcel Theroux

Makepeace vit seule depuis des années aux confins de la Sibérie. Son activité principale, hormis celle de trouver à se nourrir, est de sauver les livres des décombres de la ville qui l’entoure. Un jour, une femme terrifiée débarque dans sa vie. Les quelques mois qu’elle passera avec Ping à ses côtés ainsi que l’incroyable vision d’un avion survolant les terres désertiques pousseront Makepeace à prendre la route. Guidée par l’espoir de ne pas être seule au monde et surtout de retrouver un semblant de civilisation, elle n’hésitera pas à quitter son refuge pour entreprendre un voyage dont elle ne connaît pas la destination finale.

« On l’ignorait au début, quand la première crève-la-faim est tombée raide morte devant l’épicerie, mais apparemment, la moitié de la population mondiale était en marche.

Le temps que j’atteigne mes quatorze ans, notre ville avait presque doublé de taille et les taudis qui s’étaient construits à la périphérie poussaient comme des champignons à cause des nouveaux arrivants qui colportaient leurs histoires d’inondation, de pestilence et de guerre. Notre ville était comme l’épicentre d’un monde en perdition et non un endroit obscur et insignifiant à mille lieues du tourbillon de calamités sur lesquelles nous n’avions pas prise. »

Pour tout vous dire, la motivation principale qui m’a poussée à lire ce récit était la postface de Murakami disant qu’il était mené d’une main de maître. Parce sincèrement, l’idée d’affronter 400 pages avec une protagoniste solitaire au milieu du grand nord ne m’intéressait pas spécialement. Et grand bien m’a pris de ne pas m’arrêter sur mon a priori. J’ai été conquise par l’écriture de Marcel Theroux qui s’est inspiré de ses reportages dans la zone d’exclusion de Tchernobyl pour donner naissance à son univers post-apocalyptique. Je n’ai pas sauté une page ni même un paragraphe – j’ai très peu de patience pour les longues descriptions de la nature – car rien n’est de trop et le paysage lui-même joue un rôle à part entière. A la fois roman d’aventures proche du western et dystopie, Au nord du monde est une invitation à jeter un regard critique sur notre mode de vie d’hyperconsommation et de perte de lien avec la nature et des conséquences désastreuses que cela pourrait avoir. Un véritable coup de cœur pour ce roman aussi riche que dépaysant.