Nouvelles

Quand tout bascule

Pour changer des romans, je vous propose aujourd’hui un petit recueil de nouvelles paru il y a quelques mois chez Souffle court éditions.

L’erreur de trop, Michel Brignot

lerreur-de-trop_1re-couv_2Ce recueil, composé de dix nouvelles, met en avant des personnages complexes. Certains sont englués dans un quotidien paralysant, d’autres essaient de s’en échapper parfois au péril de leur vie. L’auteur, Michel Brignot, est un médecin qui aime la mer et les voyages et l’on retrouve dans ces textes ces deux passions qui viennent poser les décors de ses intrigues. Ces dix nouvelles assez tragiques ne sont pas pour autant forcément tristes car elles nous font voyager et réfléchir sur l’existence humaine, sur les choix qui se proposent à chaque être humain au cours de sa vie, bons ou mauvais et ces erreurs qui finissent parfois par tout faire basculer.

Si j’ai pris plaisir à chaque texte, mes préférés sont « Entre les doigts » qui raconte le destin d’une trapéziste, paralysée après une terrible chute; « Un œil triste », premier texte du recueil, qui nous emmène dans un village reculé de Sardaigne plongé dans la tourmente après la découverte de trois cadavres de jeunes hommes à quelques jours d’intervalle et « Bain à Budapest » qui nous conduit dans la capitale hongroise avec deux hommes dont le séjour ne sera pas des plus calmes et nous pousse à réfléchir sur le respect des règles… Je vous laisse le plaisir de découvrir les autres textes pour voyager à votre guise.

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Prise au piège

Aujourd’hui, je vous présente un roman jeunesse qui aborde le sujet sensible de la perversion narcissique. Il est paru le 6 février aux éditions Syros.

Je te plumerai la tête, Claire Mazard

cvt_je-te-plumerai-la-tete_3605Lilou a 16 ans au début de l’histoire. Depuis l’enfance, elle voue un véritable culte à son père au détriment de sa mère dont elle ne se sent pas du tout proche. Alors que cette dernière est en phase terminale de cancer, hospitalisée, Papa Lou conseille à sa fille de ne plus aller lui rendre visite. Mieux vaut que Lilou consacre son temps à ses révisions pour le bac de français et nul besoin de se faire du mal. La jeune fille obtempère dans un premier temps. Mais ses amis la poussent à profiter des derniers instants avec sa maman. Peu à peu, Lilou apprend à la connaître, se rapproche d’elle. Tout cela, elle le fait en cachette de son père, de plus en plus suspicieux, à l’humeur changeante. Insidieusement, il la culpabilise et dénigre celle qui partageait sa vie. Lilou découvre une nouvelle facette de ce père qu’elle admire tant et commence à se méfier…

 

J’ai véritablement dévoré ce roman – 500 pages en moins de 4 jours, ça faisait longtemps que je n’avais pas lu aussi rapidement ! Dès le départ, on est happé par l’intrigue et on tremble de voir à quel point la toile d’araignée tissée par le père de Lilou se resserre de plus en plus pour la rendre prisonnière. La psychologie des personnages principaux est finement détaillée. On ressent toute l’ambivalence de la jeune fille qui découvre peu à peu l’horrible vérité sur celui qu’elle considère comme un héros. Elle voit et comprend les choses mais ne veut pas les croire, la vérité est trop insoutenable à supporter. L’autrice parvient à transcrire les mécanismes de la perversion narcissique et de la manipulation avec brio à travers ce huis clos qui fait véritablement froid dans le dos. A ce propos, je conseille ce livre pour les ados déjà grands car j’avoue que son réalisme peut mettre mal à l’aise. Heureusement, les personnages secondaires – amis, famille (la relation mère/fille qui parvient à se tisser autour d’un amour commun pour la littérature) – permettent d’apporter une bouffée d’oxygène au lecteur en permanence sous tension. Ce suspens est renforcé par la narration. Le récit se fait à la manière d’un journal intime, au jour le jour et parfois heure par heure, transcrivant au plus près les émotions de la jeune fille. Aucun temps mort dans ce roman qui relève du thriller psychologique. Gros coup de cœur pour moi donc que je conseille pour les ados à partir de 14 ans et pour les adultes car le sujet les concerne aussi.

Pour information, les personnes perverses narcissiques présentent les symptômes suivants : absence totale de sentiment et d’empathie, orgueil démesuré, égocentrisme, charisme, capacités à charmer, mentir, manipuler, cherche à couper sa victime de son entourage et à la rabaisser pour se mettre en avant…

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Parfaite en apparence

Aujourd’hui, je vous présente un livre dont le sujet me tient à cœur, écrit par une jeune femme avec laquelle j’échange depuis de nombreuses années sur les réseaux sociaux. Elle m’a fait l’honneur de me donner à lire son témoignage en avant-première et je suis heureuse de partager cet ouvrage avec vous. Il est disponible dès aujourd’hui aux éditions City.

Je ne voulais plus manger, Caroline Fronteau

couv je ne voulais plus manger finaleCaroline est une jeune fille parfaite en apparence. Bonne élève, sage, souriante. Les années passent, la réussite scolaire est au rendez-vous, les relations amicales sont peu nombreuses mais intenses. Le corps de la fillette se transforme rapidement et il lui devient de plus en plus difficile de se reconnaître. Son esprit est encore dans l’enfance quand son corps lui renvoie l’image d’une jeune femme. Bientôt, c’est le départ à l’université, la colocation avec sa meilleure amie, le saut dans l’âge adulte. Mais quelque chose se brise en elle. L’univers qu’elle s’était imaginé avec son amie ne correspond en rien avec la réalité. Très vite, elle s’aperçoit que leur tempérament diffère et que Lucile n’a pas la même conception de l’amitié que la sienne. Peu à peu, Caroline, qui se sent étrangère au monde universitaire, isolée, va dépérir. Seules les restrictions alimentaires lui permettent alors de maintenir l’illusion de contrôler sa vie alors que la dépression l’envahit…

Caroline témoigne ici de son parcours de vie, de sa descente dans les enfers de l’anorexie à son parcours du combattant pour guérir de ce mal qui la ronge. Si une partie de l’ouvrage est consacrée au trouble alimentaire et aux difficultés qui l’accompagnent, notamment en terme de parcours de soins, de suivi compliqué, c’est surtout la question de l’entrée dans l’âge adulte, de la complexité des sentiments à cette période de la vie souvent bouleversée par de nombreux changements, des problèmes que certains adolescents peuvent rencontrer pour acquérir suffisamment de confiance en soi pour affronter un quotidien mouvant. Dans ce contexte, le rapport aux autres peut également devenir problématique et une jeune personne peu sûre d’elle peut s’attacher à des êtres qui lui seront toxiques sans s’en rendre compte. Le début de la vie adulte, c’est aussi la séparation avec le cocon parental, cette ambivalence entre le besoin de protection et la volonté de prendre son envol.Ce témoignage de Caroline apparaît donc également comme le récit d’apprentissage porteur d’espoir d’une jeune femme en quête d’elle-même. Aujourd’hui, Caroline a chassé ses démons et vit en accord avec ses principes, libérée de ses angoisses. Je lui souhaite beaucoup de bonheur pour la suite et vous invite à découvrir son livre.

 

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La douceur

J’étais impatiente de le découvrir et je suis heureuse de vous présenter ce dernier tome de cette série post-apocalyptique parue chez Syros (chroniques des tomes 1 et 2 ici).

Lou après tout – La bataille de la Douceur, Jérôme Leroy

51dnx0rkzml._sx340_bo1204203200_Nous retrouvons notre héroïne, Lou, de nouveau face aux Cybs, aux Bougeurs et au Délégué Sanders toujours à ses trousses dans un hiver terrible qui n’en finit pas. Alors que trois jeunes musiciens de la Douceur découvre la Mélodie, un air de musique qui semble avoir un mystérieux impact sur les Cybs, une véritable marée de Bougeurs aussi vaste qu’un pays est en train de déferler sur tout le nord du pays. Lou, Amir, Maria et la jeune Césaria parviendront-ils à échapper aux entre-deux et surtout réussiront-ils à sauver la Douceur d’un anéantissement certain si la horde de morts-vivants arrivait à destination ?

Nous retrouvons dans ce dernier opus tous les ingrédients qui ont fait le succès des tomes précédents. De l’action, une réflexion sur le climat et sur la société. On ne voit absolument pas passer les 550 pages de ce roman. Mais, quelque chose m’a fortement embêtée dans ce tome. La quasi absence de suspens. En effet, sans rien « divulgâcher » dans la mesure où on l’apprend dans les tout premiers chapitres, Lou est devenue une vieille dame maintenant, elle vit dans la Douceur depuis de longues années et raconte la façon dont se sont déroulés les événements qui ont précédé son arrivée dans ce havre de paix. Dès lors, nous savons que l’héroïne ainsi que ses proches et la société paisible dans laquelle ils évoluent depuis de longues années ont survécu aux assauts potentiels. Alors forcément, il est bien difficile de craindre le pire pour les protagonistes lors des scènes de combat lorsque l’on sait d’entrée de jeu qu’ils finiront par couler des jours heureux. Le seul suspens réside sur le sort de quelques personnages secondaires et sur la façon dont Lou et ses camarades parviendront à leurs fins. Du coup, j’ai été un peu déçue de ce point de vue. Par contre, la psychologie du personnage éponyme est approfondie avec une épreuve particulièrement intime à laquelle elle devra se confronter. L’histoire s’enrichit de nouveaux personnages mais qui restent en filigrane, jouant seulement un rôle d’adjuvants. En conclusion, si ce livre est, à l’instar des précédents, un vrai « page-turner » avec des scènes de combat toujours aussi réalistes et si l’on prend plaisir à découvrir la fin des aventures de nos héros, je suis un peu restée sur ma faim en matière d’intensité dramatique par rapport aux deux premiers tomes. Je conserve un avis très favorable sur l’ensemble destiné aux adolescents qui se laisseront facilement happer par l’intrigue et qui pourront réfléchir sur des sujets très actuels comme la montée des populismes, les inégalités sociales, le réchauffement climatique et l’enfermement dans le monde virtuel.

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Insensible

Voici aujourd’hui un court roman paru aux jeunes éditions Sans Escales

L’exquise sensation du rejet, Valéry Zabdyr

ob_83a20c_l-exquise-sensation-du-rejet-couverturLe narrateur, un homme qui a plutôt correctement réussi sa vie, revient sur sa jeunesse après le délitement de son mariage. Il porte un regard acerbe et cynique sur ses jeunes années et sur l’humanité de manière plus générale. Incapable de la moindre émotion, il s’est marié à une femme qui n’éprouvait guère plus de sentiments que lui. C’est donc l’histoire d’une vie morne, ponctuée de beuveries et de mauvaises blagues adolescentes que nous raconte cet homme, totalement désabusé.

« Hélène me regardait souffrir : je sus qu’elle ne m’avait jamais aimé. J’avais mis de la distance dans notre amour, par bêtise mais elle en avait mis par nécessité génétique. Elle possédait le chromosome du non-amour ».

Voilà un court roman que l’on pourrait qualifier de chronique de la haine ordinaire. Bien difficile de se prendre de sympathie pour le narrateur qui n’en éprouve aucune pour ses congénères et qui contemple avec une distance à la fois ironique et blasée le petit monde qui l’entoure. Notre homme est odieux et le revendique. Si le texte est bien rédigé, j’avoue que je reste perplexe devant tant de négativité et surtout j’ai eu la désagréable sensation que l’auteur se regardait écrire. Le point positif, c’est que fond et forme coïncident parfaitement. Pour ceux qui me connaissent, je suis très branchée humour noir et il m’arrive bien souvent de faire preuve de cynisme moi-même donc, détestant les romans à l’eau de rose, je pensais vraiment accrocher à ce livre. Mais force est de constater que ça n’a pas vraiment été le cas, je n’ai vraiment pas été transportée et ce n’est pas le fond de critique sociale qui relève de l’anecdote qui permet de relever l’ensemble. Et pour couronner le tout, j’ai relevé quelques fautes d’orthographe au fil texte…