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Rêve de départ

Bonjour, pour ce nouveau mercredi des petits, je vous propose de voyager avec ce très bel album paru aux éditions Syros.

Mon voyage à moi, Akiko Miyakoshi

Notre narrateur tient un petit hôtel dans lequel viennent des gens du monde entier. S’il adore son métier car il rencontre beaucoup de monde, il se plaît à rêver de devenir lui aussi un voyageur et de quitter sa petite ville qu’il connaît par cœur. Lui aussi pourra alors explorer des lieux qui lui sont inconnus et pourquoi pas rendre visite à ses amis aux quatre coins de la terre.

 » Le soir venu, le gros du travail à l’hôtel est fait. Assis à mon endroit habituel, je lis des lettres. Elles viennent de clients qui ont dormi ici, autrefois. Et ces lettres, qui ont traversé le monde entier, m’inspirent de nouveaux rêves de voyage. Les paysages prennent vie devant mes yeux. J’irai peut-être un jour… »

Très gros coup de cœur pour ce superbe album aux illustrations d’une finesse incroyable et au texte simple mais riche de sens. Le jeu sur les lumières, le noir et blanc de la réalité monotone face aux douces couleurs du rêve qui invitent au voyage est très réussi. Une ambiance douce et délicate qui souligne l’onirisme et invite à prendre le temps de voyager en pensées. Si le thème du voyage est central, notamment le voyage par procuration qui naît des rencontres, celui du rêve l’est tout autant. Les autres thèmes sous-jacents sont le partage, l’amitié, la liberté, le quotidien, le métier, les envies, autant de sujets de discussions qui pourront naître de la lecture de ce très beau livre qui plaît tout autant aux enfants qu’aux adultes.

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Celle qui voulait prendre sa place

Bonjour ! Pour ce mercredi des petits, je m’adresse aux plus grands, les bons lecteurs à partir de 12 ans, avec le troisième opus des aventures de Kiki la petite sorcière paru en décembre dernier aux éditions Ynnis (pour lire le résumé des deux premiers tomes, c’est par ici).

Kiki la petit sorcière – Tome 3 : Une rencontre inattendue, Eiko Kadono

Dans ce troisième tome, nous retrouvons Kiki qui a bien grandi. Elle a maintenant 16 ans et est bien installée dans la ville de Koriko où elle mène ses activités de sorcière coursière. Elle a également décidé d’élargir ses services en proposant des remèdes contre les éternuements. Le travail ne manque pas. Pourtant, la jeune fille se pose beaucoup de questions, notamment sur la nature de ses sentiments vis-à-vis de son ami Tombo. Et puis un jour, sa vie bien rôdée va se trouver bouleversée par l’arrivée en ville d’une petite fille qui semble désireuse de prendre sa place en se rendant indispensable. Entre perte de confiance et jalousie, l’existence de Kiki va se compliquer…

« Le cœur de Kiki était ballotté par une houle puissante. L’inquiétude, l’insatisfaction qui y stagnaient depuis quelque temps maintenant déferlèrent dans tout son corps. Cette fille, elle me gâche la vie. Cette fille… Elle me gâche la vie ! Elle gâchait sa vie à Koriko, son quotidien qu’elle chérissait tant ».

J’ai vraiment accroché à ce troisième tome beaucoup plus mature que les précédents, qui fait la part belle aux sentiments de Kiki plutôt que sur ses aventures de sorcière. Du coup, si les deux premiers tomes peuvent facilement être lus à partir de 9 ans, je conseille celui-ci pour des lecteurs à partir de 12 ans. Ce que j’apprécie également, c’est que la magie de ce roman d’apprentissage fonctionne aussi bien pour les enfants que pour les adultes et que l’on ne s’ennuie pas un seul instant grâce aux nombreux rebondissements. L’intervention du personnage de Kéké qui est un sacré élément perturbateur dans le quotidien de la jeune fille apporte un réel renouvellement à l’intrigue par rapport aux tomes précédents qui étaient surtout centrés sur les aventures magiques. On ressent tout le désarroi, la perte de confiance, la jalousie auxquels est en proie la jeune sorcière qui se retrouve confrontée à un doute grandissant. Le sentiment amoureux et la difficulté à en faire part est également davantage présent. Enfin, j’ai aimé que le personnage du chat Jiji prenne davantage d’ampleur, presque comme un objecteur de conscience, rôle qu’il tenait déjà auparavant mais dans une moindre mesure. Encore un coup de cœur pour ce roman jeunesse qui a inspiré Hayao Miyazaki.

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Un jour son prince viendra…

J’enchaîne les polars ces derniers temps et j’adore ça ! Celui que je vais vous présenter aujourd’hui est une véritable pépite. Par contre, je vous préviens, si vous cherchez une lecture « facile », sans trop de prise de tête pour emporter sur la plage, passez votre chemin. Mais pour les amateurs d’intrigues retorses, ce roman est parfait. J’en profite pour remercier vivement les éditions du Seuil et particulièrement l’équipe de la collection Cadre noir pour leur confiance renouvelée et ce voyage en terres nippones que j’affectionne tant. Merci également à l’auteure pour sa jolie dédicace.

A l’ombre de l’eau, Maïko Kato

41e49w5fvvl._sx195_2014. Tokyo. Un banquier est retrouvé pendu chez lui. Le capitaine Seiji Hiraï soupçonne un lycéen, Hayato Hisaïshi. Mais sans preuve concrète, il ne peut prouver le meurtre.

La même année, la jeune Emi Yasukawa, née d’un père japonais et d’une mère anglaise, se fait violemment harceler par une camarade et sa bande au lycée en raison de son métissage. A bout, elle noue un pacte avec un puissant yakusa afin de retrouver sa tranquillité.

2019. Des cadavres de femmes sont retrouvés. De mystérieux messages codés les accompagnent. Le capitaine Yoshida et son lieutenant Kanda sont chargés de l’enquête. Tout les ramène à Hayato qui, après s’être prostitué, est devenu un hôte coté dans un célèbre club du quartier rouge de Shinjuku. Emi, quant à elle, a intégré une grande entreprise mais est toujours malmenée en raison de ses origines. Sa vie au bureau peu reluisante va basculer le jour de l’arrivée de Matsuï, nouveau directeur général, qui semble en savoir beaucoup sur son passé. Bientôt, les chemins de Hayato et Emi se croiseront.

Comme vous pouvez le constater, l’intrigue est complexe, les personnages nombreux. Et encore, je n’ai évoqué qu’une infime partie d’entre eux. Pour tout vous dire, j’étais un peu perdue au début de ma lecture. Ce n’est qu’en arrivant à la fin du livre que j’ai découvert une liste des personnages ! C’est la première fois que je vois ça dans un livre. Mais avec 36 noms différents – et encore, il me semble qu’un d’entre eux a été omis – on en comprend la raison. Une fois lancée, par contre, impossible de m’arrêter. J’ai plongé tête la première dans l’ambiance des quartiers chauds de Tokyo. Grâce à l’alternance des points de vue à chaque chapitre, on pénètre vraiment dans la psychologie des personnages ce qui nous permet de cerner au mieux les nœuds de l’intrigue. Outre l’enquête, ce roman offre une analyse de la société japonaise dans laquelle le travail rigoureux dans les grandes entreprises côtoie le relâchement total dans des clubs hot à l’aide de toujours plus d’alcool. Le tout est d’un réalisme sans conteste. Il faut dire que l’auteure a réalisé une enquête auprès d’hôtes de Kabukicho et s’est inspirée de son expérience de stagiaire au sein du plus gros groupe de communication du Japon. Le sujet est donc parfaitement maîtrisé et permet une véritable immersion pour le lecteur. Coup de cœur !

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La sorcière coursière

C’est un conte que je vais vous présenter aujourd’hui. Mais il ne s’agit pas de n’importe quel conte puisqu’il a inspiré le plus grand maître de l’animation japonaise : Hayao Miyazaki. Je remercie très chaleureusement les éditions Ynnis pour leur confiance. C’est une joie pour moi, amoureuse de la culture japonaise, de découvrir l’oeuvre d’Eiko Kadono.

Kiki la petite sorcière, Eiko Kadono

kiki_la_petite_sorciere_coverKiki serait presque une jeune adolescente comme les autres si elle n’était pas la fille d’une sorcière. A l’âge où les jeunes filles commencent à penser aux garçons, elle s’entraîne à voler sur un balais et se prépare, à 13 ans seulement, à quitter le foyer familial pour partir à l’aventure, comme toutes les sorcières de son âge. Très enthousiaste à l’idée de ce premier grand voyage, notre petite aventurière n’en est pas moins angoissée. Heureusement, son fidèle chat noir, Jiji, l’accompagnera. Elle choisit de s’installer dans une grande ville, près de la mer. Mais dans la ville de Koriko, elle découvre qu’elle n’est pas forcément la bienvenue. Elle va donc devoir tenter de s’intégrer. C’est ainsi qu’elle va créer un service de livraison très particulier, aidée par Osono, une adorable boulangère.

Voilà un très joli conte d’Eiko Kadono qui a reçu le prix Andersen en 2018. Le jeune lecteur s’attachera très vite à la petite Kiki, symbole de liberté mais aussi d’ambition, de courage, de curiosité et d’indépendance. Un récit initiatique ensorcelant qui me donne envie de voir le film de Miyazaki (qui est bien au chaud dans ma vidéothèque). J’ai apprécié l’écriture qui n’est pas manichéenne, chose assez rare dans les contes et qui permet de s’identifier d’autant plus aux personnages. On retrouve bien sûr tous les éléments du conte traditionnel : la quête, les péripéties, les adjuvants et les opposants. La morale est très positive : il faut avoir confiance en soi, en ses propres capacités et réussir sa vie. Les parents sont là pour accompagner leurs enfants à prendre leur envol sans les étouffer, à les rendre responsables et sûrs d’eux sans les faire grandir trop vite non plus.

Voilà une bien jolie idée cadeau pour de bons lecteurs à partir de 9 ans. La jaquette du livre est en plus vraiment jolie. Vous pouvez faire une place dans votre bibliothèque pour ce roman ensorcelant qui a inspiré les célèbres studios Ghibli. Coup de cœur !

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Instant présent

Ce soir, je vous invite, par le biais d’un manga magnifique, à savourer l’instant présent, à prendre le temps de vous promener et d’ouvrir grand vos yeux afin de ressentir pleinement tout les bienfaits du monde qui vous entoure.

L’Homme qui marche, Jirô Taniguchi

lhomme-qui-marche-de-jiro-taniguchi-e1504419458406Un homme vient d’emménager avec sa femme dans un quartier résidentiel. Peu de temps après leur arrivée dans la maison, ils découvrent le chien de l’ancien propriétaire et l’adoptent aussitôt. De ce couple, nous ne sauront rien d’autre sinon que l’homme se plaît à se promener. En effet, au moment où tout le monde se presse au travail, il aime prendre le temps de marcher et d’observer toutes les petites choses du quotidien qui nous entourent, tout ce à quoi plus personne ne fait attention, trop accaparé par le rythme effréné de la vie citadine.

Voici un magnifique manga de Taniguchi, qui fut, à l’époque, son premier ouvrage à paraître en français. La beauté de ce livre ne réside pas seulement dans les dessins – d’une finesse et d’une qualité sans égale – mais aussi dans le message qu’il envoie. En effet, dans une société nippone du début des années 90 qui prône la valeur travail, Taniguchi se fait taiseux et invite ses lecteurs à prendre le temps. Très contemplatif, ce manga poétique – qui ne comporte quasiment aucun dialogue – est une ode à l’oisiveté, aux déambulations sans but, juste pour se faire plaisir. Un véritable petit bijou visuel et spirituel. Laissez-vous tenter et découvrez ici mes autres chroniques sur cet auteur.

 

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Un manga qui a du jus !

Après vous avoir parlé de Kimagure Orange Road (KOR), manga coup de cœur de ma jeunesse, j’ai le plaisir de faire la critique d’une autre petite pépite. Il s’agit du manga Orange, dont l’auteur est Ichigo Takano. Paru en 2014, ce manga, édité chez Akata, est un shôjo romantique en 5 tomes.

Orange – volume 1, Ichigo Takano

51bteerbjpl-_sx344_bo1204203200_J’étais tombé sur ce titre lors du dernier salon du Livre à Paris. J’avais ouvert le tome 1 présent sur un stand et fut séduit par le coup de crayon de l’auteure. Je m’étais dit que j’en ferai bien la lecture (et la chronique) un jour. Et ma moitié me fut une belle surprise quelques semaines plus tard en m’offrant l’intégrale, les 5 tomes donc. Après avoir dévoré le premier tome, je vous en propose ici la critique.

Le manga nous présente d’emblée son héroïne : Naho qui est en deuxième année au lycée de Matsumoto, une ville de la préfecture de Nagano. Nous suivons donc cette jeune fille de 16 ans entourée de sa bande d’amis : Azu, Takako, Suwa et Hagita.

Voilà qu’un garçon, venant de Tokyo, intègre son lycée. Le nouveau venu Kakeru, ne laisse pas Naho indifférente et celle-ci tombe vite amoureuse de lui.

Là, on se dit que nous avons affaire à une banale romance. Et bien non, c’est raté. Car il y a quelque chose qui vient pimenter cette intrigue. En effet, dès les premières pages, notre chère Naho reçoit une lettre qu’elle n’ouvre pas tout de suite. Ce n’est qu’en classe qu’elle découvre l’impensable : c’est la Naho du futur qui lui écrit. Agée de 26 ans, elle écrit à elle-même pour lui faire part de ses regrets et des choses que sa version de 16 ans peut changer. Au départ la jeune fille ne croit pas à cela mais sa façon d’écrire et surtout les faits que sa future elle mentionne se réalisent.

Naho a la capacité d’effacer les regrets de sa version future en changeant son présent. Cela va de légers regrets (ne pas avoir joué dans une équipe par exemple) à d’autres plus lourds (ne pas avouer ses sentiments…). Et très rapidement, un enjeu va peser sur les épaules de notre lycéenne car un drame va toucher Kakeru. Va-t-elle suivre les directives de sa version future ? Quid des changements opérés dans le présent par notre héroïne ?

Détail intéressant : quelques passages sont distillés dans ce tome où nous retrouvons nos protagonistes dans le futur, âgés de 26 ans. Ces moments nous permettent de mieux cerner les regrets qui hantent la Naho adulte.

Nous sommes donc dans un shôjo qui sort de la banalité, au même titre que KOR d’ailleurs, que j’évoquais au début de cette chronique. Il y a d’ailleurs quelques points communs entre ces deux œuvres :

  • L’aspect romance : un triangle amoureux.
  • L’aspect science-fiction : ce n’est pas du paranormal certes mais nous avons la thématique du voyage dans le temps (comme dans KOR)
  • Nos protagonistes sont des adolescents de 16 ans.

Le premier mot qui me vient à l’esprit pour définir ce premier tome est : frais. Que ce soit au niveau du dessin, des dialogues ou de l’intrigue, le tout respire la fraicheur. A travers ce premier tome se dessine donc une œuvre singulière, touchante, qui évite l’écueil de la mièvrerie. La simplicité n’est qu’apparence et l’auteur, Ichigo Takano, donne ici de l’épaisseur à ses personnages et de la profondeur à leurs relations. Ce travail laisse donc présager un voyage passionnant. Le lecteur enthousiaste que je suis ne va pas se faire prier pour dévorer la suite. Décidément, ce petit jus frais fait du bien mais n’a pas encore étanché ma soif… Wait and see !

Haruki Murakami·Littérature japonaise·poésie·Roman

Premiers écrits

De retour avec mon auteur nippon favori…

Ecoute le chant du vent et Flipper, 1973 – Haruki Murakami

51reivik9-l-_sx210_Pas évident de mettre des mots pour résumer ces deux premiers romans du maître pressenti plusieurs fois pour le Nobel. Ces « écrits sur une table de cuisine », comme il se plaît à les qualifier lui-même, rédigés en 1979 et 1980, et dont le premier fut récompensé par le prix Gunzo, n’avaient jusque-là pas été publiés. Ce n’est que l’an dernier que la traduction française est parue aux éditions Belfond. Autant vous dire que l’inconditionnelle de Murakami que je suis se faisait une joie de pouvoir découvrir ces toutes premières œuvres.

On ne va pas se mentir, ces deux courts romans – ou longues nouvelles – ne sont pas les meilleurs de l’auteur japonais. Cela dit, nous trouvons déjà ce style qui lui est propre, à savoir un langage qui peut paraître simple voire répétitif mais qui permet de rendre compte d’une façon très efficace la psychologie des personnages. Parlons de ces derniers. Les deux textes mettent en scène un narrateur non identifié et un personnage nommé Le Rat que l’on retrouve dans La Course au mouton sauvage. Les thèmes récurrents dans toute l’oeuvre comme la quête de sens ou le lien ténu entre la réalité et le rêve. Ainsi, dans Flipper, le narrateur vit avec des sœurs jumelles qu’il ne parvient pas à distinguer. Il ne sait rien d’elles et encore moins comment elles en sont arrivées à s’installer chez lui et à partager son lit. Sans cesse, l’auteur nous pousse à contempler un réel mélancolique qui tient presque de l’abstraction et qui nous plonge dans une espèce de rêve à la frontière du niveau de veille. Avec Murakami et son onirisme poétique, nous sommes dans l’entre-deux d’une réalité nimbée de songes et c’est cet univers si particulier que j’affectionne tant. Ces romans nous donnent également une idée de ce que pouvait être la société japonaise et le monde étudiant en particulier au cours des années 90. Si les deux textes sont donc intéressants d’un point de vue de l’étude littéraire c’est surtout la préface rédigée récemment par l’auteur qui m’a intéressée. Nous apprenons ainsi comment Murakami, après s’être marié jeune et avoir ouvert un bar à jazz, s’est mis à écrire sur le coin de sa table de cuisine après avoir assisté à un match de base-ball alors qu’il n’y avait jamais songé auparavant. Il y a des évidences qui ne s’expliquent pas. C’est pourquoi il ne faut pas chercher à tout prix un sens à ces histoires, simplement se laisser porter par la douce poésie qui en émane.

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La Voie du Thé

Aujourd’hui, je vais vous présenter un magnifique classique qui m’a été offert au salon du livre de Paris par les très sympathiques Editions Synchronique que je vous invite vivement à découvrir.

Le Livre du Thé, Kakuzô Okakura

photos poches 004Par le biais de cet essai sur l’art du thé, l’auteur nous invite non seulement à découvrir ce qui constitue l’un d’un pilier majeur de la civilisation japonaise mais nous permet aussi de nous initier à la spiritualité orientale. Dès les premières pages, nous comprenons qu’à travers le partage de ce fantastique breuvage qui fait l’objet d’une préparation minutieuse, du choix de la feuille de thé au service dans le lieu bien spécifique qu’est la chambre à thé, c’est tout un art de vivre qui est à l’oeuvre. Celui du vécu du moment présent et de l’appréciation de chacune des petites choses de la vie, de la beauté partout présente. Autant vous dire qu’après ma formation en sophrologie, ce texte qui réfère directement aux grands courants spirituels orientaux a fortement résonné en moi.

Ce livre du thé, inspiré donc du zen et du Tao, nous propose de nous plonger dans l’instant et de nous libérer d’un matériel qui finit par encombrer notre esprit afin de nous retrouver, pleinement conscience, dans un espace qui laisse place au raffinement. Certains propos décrivent tellement bien notre époque qu’il est presque incroyable de savoir que ce classique a été rédigé voilà plus d’un siècle, en 1906 ! Face à notre société d’ultra-consommation perpétuellement agitée, l’auteur prône calme et simplicité. Je ne résiste pas au plaisir de vous faire découvrir cet extrait qui témoigne de la grande modernité du texte : « Dans cette époque démocratique qui est la nôtre, les hommes réclament à grands cris ce que la foule porte au pinacle, sans prêter attention à leurs propres émotions. Ils désirent le coûteux et non le raffiné; ce qui est à la mode et non ce qui est beau. […] Le nom de l’artiste est plus important à leurs yeux que la qualité de l’oeuvre. « 

Le texte est joliment illustré par les estampes du peintre japonais Katsuchika Hokusai qui s’harmonisent pleinement avec les considérations de l’auteur et viennent mettre en valeur ses propos. Dans la même collection, je possède également le grand classique de Lao Tseu, le Tao Te King, ainsi qu’une version moderne du Tao, rédigée par Benjamin Hoff, Le Tao de Winnie, textes que je vous ferai découvrir dans de prochaines chroniques.06 - Synchro Poches 2 061

En attendant, n’oubliez pas le plus important : profiter de l’instant présent.

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La bibliothèque infernale

Un tout petit Murakami, parce que ça faisait longtemps !

L’étrange bibliothèque, Haruki Murakami

9782714459558Un jeune garçon se rend à la bibliothèque municipale pour rendre des livres. Souhaitant en emprunter d’autres, la dame à l’accueil – qu’il n’a jamais vue – lui dit de descendre les escalier, puis de tourner à droite et de continuer tout droit pour se rendre à la salle 107. L’enfant s’exécute. Arrivé au bon endroit, un vieillard l’accueille. Dès lors, plus rien ne va se dérouler normalement…

Cette nouvelle de Murakami bascule très vite dans un univers aussi étrange qu’inquiétant. Ici, l’onirisme devient cauchemardesque. Le lecteur se perd dans les dédales de cette terrifiante bibliothèque labyrinthique et se retrouve emprisonné aux côtés du jeune narrateur, d’un homme-mouton et d’une magnifique petite fille. Sans être la meilleure oeuvre du japonais, cette nouvelle cristallise plusieurs thèmes récurrents de l’auteur (enfermement, solitude, quête de soi…) tout en dévoilant un aspect poético-fantastique bien plus sombre qu’à l’habitude. Le tout est très joliment et psychédéliquement illustré par Kat Menschik.

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Club des cinq

J’ai été faible, j’ai encore craqué pour un Murakami…

L’incolore Tsukuru Tazaki et ses années de pèlerinage, Haruki Murakami

9782714456878Alors qu’il a 36 ans, Tsukuru, architecte spécialisé dans la réfection et construction de gares, se remémore ses années de lycée, passées en compagnie de ses quatre meilleurs amis : Akamatsu surnommé Rouge, Ômi, Bleu, Shirane, Blanche et Kurono, Noire. Tsukuru, quant à lui, était incolore. Alors que les cinq amis étaient totalement inséparables, Tsukuru va décider de partir effectuer ses études supérieures à Tokyo alors que les quatre autres préfèrent rester à Nagoya. La première année, leur amitié demeure intacte. Mais quelques mois plus tard, alors que Tsukuru revient passer ses vacances à Nagoya et tente de contacter ses amis, personne ne lui répond. L’un des quatre finit par lui signifier qu’ils ne veulent plus jamais avoir affaire à lui, sans donner aucune explication. Tsukuru, sous le choc, ne songe pas à en demander.

Va s’en suivre pour notre jeune ami qui a alors 20 ans, une longue dépression. Pendant quelques mois, il va se sentir comme mort avant de refaire peu à peu surface, tout en s’interrogeant toujours sur le brusque rejet dont il a été victime. C’est toujours l’esprit rongé par cette histoire, qu’il va, à 36 ans, faire la rencontre de Sara, une jeune femme pour laquelle Tsukuru est prêt à affronter ses démons passés afin de pouvoir enfin vivre. Pour cela, il va devoir effectuer un pèlerinage qui va le mener de Nagoya jusqu’en Finlande. Il lui faut enfin comprendre pourquoi il a ainsi été rejeté du cercle parfait qu’ils formaient tous les cinq.

Ce roman de Murakami se lit presque comme un polar. Le personnage principal, en proie à un constant doute existentiel, se livre à une quête personnelle, à la manière d’un détective, qui va le pousser dans ses plus profonds retranchements. Il ne pourra parvenir à vivre sa vie pleinement qu’en répondant à la question qui le torture depuis 16 ans : pourquoi a-t-il été rejeté de son cercle d’amis ? Parce qu’il était trop incolore à leurs yeux ? Parce qu’il s’était trop éloigné en partant étudier à Tokyo ? Toutes les suppositions qu’il peut imaginer ne sont pas assez violentes pour expliquer un rejet si brutal. Quel acte a-t-il bien pu commettre ? Les réflexions du personnage permettent à l’auteur de faire naître une atmosphère de nostalgie qui va irriguer tout son texte en même temps que l’idée que l’homme a toujours plusieurs facettes dans sa personnalité, sans en avoir forcément toujours pleinement conscience. Personne n’est blanc ou noir, chacun possède un jardin secret qui le rend unique et qui fait sa couleur. Si la frontière entre rêve et réalité est parfois plus que poreuse, ce roman de Murakami est moins tourné vers l’onirisme et les mondes parallèles que 1Q84 ou Kafka sur le rivage. Mais davantage que dans ces œuvres, la quête identitaire emprunte de nostalgie est ici primordiale. Un très agréable moment de lecture.